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Par Appolinaire KOULAMA le 20 Avril 2008 à 14:16
Le conflit dans le Darfour n’est pas un conflit racial entre milices « arabes » et tribus « africaines ». Mais un conflit entre des tribus arabisées, que le mode de vie a toujours tantôt rapprochées, tantôt opposées, et dont certaines sont aujourd’hui instrumentalisées par Khartoum. Marc Lavergne, chercheur au CNRS et spécialiste du Soudan, l’affirme.
Le conflit entre le Nord et le Sud du Soudan
Le conflit meurtrier déchire le Soudan depuis vingt ans va-t-il enfin se terminer ? Les accords de paix signés le 9 janvier entre Khartoum et l’Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) prévoient un partage du pouvoir et de la manne pétrolière. Cependant, l’incertitude demeure quant à leur viabilité, car ils excluent une partie importante de l’opposition et ne règlent pas le conflit du Darfour.
Les accords de paix signés à Nairobi (Kenya), le 9 Janvier 2005, mettent fin à un conflit qui déchire le Soudan depuis vingt et un ans. Les affrontements auraient fait près d'un million et demi de morts, plus de quatre millions de déplacés à l'intérieur du pays et 600 060 réfugiés dans les Etats limitrophes (1). C'est donc à juste titre que la «communauté internationale» s'est réjouie de cet accord politique, mais aussi économiques obtenu au terme de deux ans et demi d'improbables négociations.
Cependant la prudence s’impose, car le Soudan continue d’être le théâtre d’un conflit extrêmement violent dans la province occidentale du Darfour, conflit que les signataires de Nairobi n’ont pas abordé. En outre, les arrangements extrêmement complexes adoptés seront difficiles à faire appliquer à un personnel politique composite, issu tant de la guérilla chrétienne que du mouvement fondamentaliste musulman, auquel s’ajoutent des opposants nordistes et sudistes qui se plaignent de ne pas avoir été associés.
La guerre entre le nord et le sud du Soudan, à la fois culturelle et religieuse, remonté à un demi-siècle. En août 1955, alors que les Britanniques n'avaient pas encore évacué le pays, l'annonce d'un remplacement de leurs officiers britanniques par des Arabes avait provoqué la mutinerie de l'Equatoria Corps, unité militaire composée de soldats noirs. S'ensuivirent dix-sept années de guerre auxquelles mit fin l'accord de paix d'Addis-Abeba en février 1972. Cette paix donnait aux trois provinces méridionales une relative autonomie dans un cadre confédéral. Mais la découverte, en 1979, de gisements de pétrole dans le Sud et le percement, un an plus tard, d'un énorme canal destiné à récupérer l'eau du Nil au bénéfice de l'Egypte (Jonglei Canal Project) amenèrent le président Gaafar Muhammad Nemeiry à abroger unilatéralement l'accord d'Addis-Abeba.
La guerre reprit en mai 1983 lorsque, une nouvelle fois, des unités noires de l'armée soudanaise se soulevèrent contre leur commandement arabe. Le colonel John Garang en prit la tête et créa l'Armée populaire (le libération du Soudan (APLS). Connue le président Nemeiry était soutenu par les Etats-Unis, la rébellion trouva des soutiens auprès de l'Ethiopie du colonel Menguistu Hailé Marïarn et de ses alliés du camp socialiste. La fin de la guerre froide et la chute du régime Menguistu, en mai 1991, affectent gravement l'APLS et faillirent précipiter sa défaite. Mais, à partir de 1993, l'Ouganda du président Youweri Museveni se substitua à l’Ethiopie défaillante. Un régime fondamentaliste islamique s’étant entre-temps installé à Khartoum en 1998, l’APLS se retrouva, comme Kampala, très proche… des Etats-Unis.
Le conflit entre le Nord et le Darfour :
Quand et comment tout a commencé au Darfour ? Le Darfour est une région grande comme la France, très pauvre, éloignée du pouvoir central et peuplée d'Africains et d'Arabes musulmans. Mais, malgré cette homogénéité religieuse, et bien que nombre de cadres de l'armée soient issus de la région, le Darfour a toujours été victime d'une marginalisation économique et sociale, aussi bien pendant la période coloniale anglo-égyptienne qu'après l'indépendance, depuis 1956. Les gouvernements qui se sont succédés au Soudan n’ont jamais cherché à développer le Darfour, à y créer des emplois, construire des routes. Pas plus que les empires coloniaux. C’est à peine si l’Allemagne y a posé 40 km de bitume. La province du Darfour est négligée, comme toutes les provinces périphériques de Khartoum. Les gouvernants se sont ainsi aliénés une population qui n’était pas contre eux à l’origine. Il leur aurait pourtant été facile de développer le pays, s’ils l’avaient voulu.
A l'origine directe des troubles, il y a des tensions ethniques, des différends entre agriculteurs sédentaires et pasteurs nomades, aggravés par la famine de 1984 et les manipulations politiques qui ont suivi la chute de Jaafar Nimeiri (chef de l'Etat arrivé au pouvoir par un putsch en 1969 et renversé par des manifestations populaires en 1985, ndlr). A ce moment-là, l'armée libyenne est arrivée au Darfour. C'est un épisode peu connu: pendant plusieurs années, la Libye a occupé le Darfour avec la bénédiction du Premier ministre soudanais de l'époque Sadeq al-Mahdi. Ce dernier avait touché des millions de dollars de Tripoli, dont il s'est servi pour remporter les élections de 1986. En échange, les Libyens se sont installés au Darfour, dont ils voulaient faire une base arrière pour reconquérir le Tchad et renverser le régime de Hissène Habré. Khadafi avait créé une «légion islamique» composée d'un mélange de Soudanais, de Libyens, de Tchadiens et même des Libanais envoyés par le leader druze Walid Joumblatt. A l'époque, Kadhafi voulait arabiser le Darfour. C'est tombé en plein milieu d'une famine qui a fait 90 000 morts et décimé les trois quarts du cheptel. Il y avait déjà des conflits pour l'exploitation des pâturages et des points d'eau entre pasteurs arabes et paysans africains. La propagande libyenne a agi comme du vinaigre sur une blessure ouverte. Il y a eu une première guerre civile qui a fait 3 000 morts et qui s'est terminée en 1989, juste avant le coup d’état des frères musulmans au Soudan.
Comment le conflit s'est-il rallumé ? Les islamistes ont bénéficié, dans un premier temps, d'un apaisement au Darfour. Ils en ont profité pour aider l'actuel président tchadien, Idriss Déby, à prendre le pouvoir à N'Djaména, en 1990, en abritant sa guérilla au Darfour. Le calme a duré deux ou trois ans. En 1992, un Frère musulman Four (l'une des deux principales ethnies africaines du Darfour avec les Zaghawa, ndlr), qui s'appelait Daoud Bolad, s'est rendu compte qu'il était un «nègre» avant d'être musulman. Il l'explique dans des lettres poignantes à sa famille, que j'ai pu consulter: il raconte qu'à la mosquée, on ne le laisse pas s'installer à certains endroits parce qu'il est noir. Daoud Bolad déclenche une insurrection. Rapidement, il est arrêté, amené à Khartoum et torturé à mort. Cette histoire, que tout le monde ignore à l'étranger, a laissé des cicatrices graves et une profonde amertume au Darfour (littéralement «le territoire des Four» en arabe, ndlr). Or les Four, l'ethnie de Daoud Bolad, représentaient probablement près de la moitié de l'armée soudanaise mobilisée dans la guerre contre les rebelles sudistes. A partir de la mort de Bolad, il y a eu un fort repli identitaire. Une nouvelle génération s'est préparée à la guérilla. Ces jeunes ont récolté de l'argent auprès de la diaspora four. Il y a eu des retards à l'allumage parce qu'au Soudan, tout est très lent. Au début des années 2000 est né le Front de libération du Darfour, qui s'est rapidement transformé
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